Vers l’ubérisation du marché de l’électricité ?

S’il est un terme à la mode, c’est bien celui d’ubérisation ! Autant par son actualité que par les peurs et fantasmes qu’il déclenche !

Afin de mieux définir le terme, je m’en remets à l’observatoire français de l’ubérisation, fondé en 2015. L’ubérisation est un modèle économique résultant de trois tendances :

  • La volonté d’indépendance des acteurs, travailleurs et consommateurs en premier
  • La recherche d’un meilleur service et de nouvelles expériences de consommation
  • Le déploiement envahissant des technologies numériques

Selon cette définition, faut-il craindre ou espérer une ubérisation du marché de l’électricité ?

Tout d’abord, les panneaux photovoltaïques sont insuffisants en Europe pour qu’un client résidentiel puisse être autonome pour sa production d’électricité. Parmi les grands pays européens, seul l’Espagne pourrait produire la consommation annuelle moyenne d’un ménage avec moins de 35 m2 de panneaux photovoltaïques…ce qui est déjà une surface – correctement orientée pour produire – importante pour un seul ménage.

Tant que les piles à combustible et autres technologies de production autonomes ne sont pas accessibles et abordables sur le marché, les ménages auront besoin d’un appoint d’électricité en provenance du réseau. La maison autonome n’est pas pour les 10 à 20 ans à venir.

Dans les pays où la saisonnalité été/hiver est marquée, il faudra un stockage inter-saison pour éviter une sur-production une partie de l’année. Ce stockage devra être beaucoup plus important que ce que propose Tesla et sa rentabilité sera quasiment impossible à atteindre. L’incapacité, même partielle, de stocker l’électricité produite une partie de l’année, pénalisera donc la rentabilité d’une partie des moyens de production d’électricité.

Si la volonté d’indépendance des ménages existe et se développe, leur capacité à se déconnecter un jour du réseau, à un coût acceptable, restera limitée lors des 20 prochaines années.

Imaginer que les producteurs indépendants cherchent à faire bénéficier leurs voisins de leur surplus de production n’est pas une fiction. Il faudra toutefois qu’ils utilisent un réseau capable de véhiculer ces électrons et il faudra toujours un acteur chargé de gérer l’équilibre de ce réseau…tâche tout à fait inaccessible à des non-initiés. Le gestionnaire de réseau électrique restera donc un intermédiaire incontournable.

Ces quelques constats – je pourrais en ajouter d’autres de même nature – dessine une possibilité d’ubérisation qui devra se développer dans un cadre plus contraint dans lequel le gestionnaire de réseau électrique conserve un rôle central. Les consommateurs ne seront pas totalement libres de s’affranchir des énergéticiens.

Dès lors, cette « ubérisation » risque de prendre du temps si elle se développe dans un contexte relationnel tendu entre des énergéticiens défendant leur position actuelle et leurs clients et elle risque de laisser quelques consommateurs dubitatifs de l’intérêt économique de ce mouvement. Aux énergéticiens, pour des raisons que j’évoquerai plus tard, d’en décider ainsi ou pas !

2 Commentaires

  1. Aborder ce thème dans le cadre du jacobinisme français est tout simplement impensable voire politiquement incorrect.
    Il faut regarder vers l’Europe du Nord (Hollande, Danemark) et en Californie pour observer des initiatives qui vont dans le sens d’une transition concertée d’un modèle tout centralisé vers une approche incluant aussi des échanges d’énergie
    « peer to peer » au niveau local, sans pour autant court-circuiter ou léser le gestionnaire de réseau.
    En ce qui concerne l’approche de l’autonomie électrique totale (« grid divorce » ou « grid defection » aux U.S.), c’est évidemment un doux rêve que certains marchands de batteries essaient d’entretenir.
    Le « smart » n’est pas dans le repli énergétique sur soi, mais sans doute plus dans une approche collaborative et décentralisée.
    « Décentralisée » ?… En voilà bien un gros mot au pays d’EDF & consorts

  2. Effectivement, nous partons de loin avec un historique privilégiant
    la production centralisée vs distribuée mais pas besoin d’aller si loin pour un retour d’expérience avec par exemple le projet Greenlys (Lyon/Grenoble) même si toutes les expériences sont bonnes à prendre…
    Une approche plus collaborative, décentralisée avec de nouveaux acteurs pour de nouveaux services est une certitude. L’ubérisation du marché de l’électricité, pourquoi pas, mais pas nécessairement pour une indépendance surtout pour du service, de l’agilité pour une consommation responsable et individualisée…

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