Dans un précédent article, j’évoquais les évolutions du marché de l’énergie qui s’inscrivaient dans une logique d’ubérisation, notamment des activités de production.
Cette fragmentation, observée depuis quelques années, a plusieurs origines : technologiques, économiques et sociologiques. Je vous propose d’en mettre une en avant : la volonté d’indépendance des consommateurs. D’emblée, elle ne semble pas aussi importante que d’autres mais pourrait se révéler, pour les énergéticiens, comme essentielle à considérer.
Et pourquoi donc ? Quelle attitude les énergéticiens doivent-ils adopter face cette tendance ? Doivent-ils s’y opposer ou, au contraire, l’accompagner ? Représente-t-elle pour eux une menace ou une opportunité ?
En première approche, l’ubérisation de la production électrique ne présente que des inconvénients pour les énergéticiens :
- L’équilibre du réseau est plus difficile à atteindre
- Le coût de l’énergie augmente avec un mix intégrant de plus en plus d’énergies renouvelables distribuées
- Une part de la production d’électricité devient moins contrôlable
- La porte s’ouvre vers une économie du partage : les micro-producteurs veulent partager leur électricité avec leurs voisins. Une part (infime à court terme) de la distribution électrique échappe aux réseaux de distribution.
- Les équilibres économiques relatifs aux coûts des réseaux sont remis en cause
Tout pousse donc les énergéticiens à s’opposer, à freiner, à entraver cette marche en avant, bien qu’elle soit quelquefois supportée par une réglementation incitative. Certaines règles ou lois ont un caractère opportuniste ou court terme ; elles ne sont pas raisonnées dans un cadre systémique c’est à dire prenant en compte les conséquences éventuelles sur les systèmes énergétiques. Elles sont alors adaptées ou retirées brutalement une fois qu’apparaissent des conséquences non prévues, rendant l’évolution du marché plus erratique et moins prévisible.
Je ne suis pas certain qu’une telle opposition de la part des énergéticiens soit vertueuse. « L’indépendance » énergétique totale est illusoire pour de nombreux consommateurs. Mais leur désir « d’indépendance » me semble profondément et durablement ancré. Si les énergéticiens traditionnels ne viennent pas en support des consommateurs pour optimiser les bénéfices de cette indépendance, ces derniers trouveront des solutions, en dehors des énergéticiens. A la perte d’activité, s’ajoutera alors pour ces derniers, une perte de crédibilité, bien plus grave.
Les énergéticiens ont très probablement intérêt à accompagner les consommateurs en leur fournissant des solutions énergétiques autonomes, assorties des services nécessaires à l’optimisation de leur investissement comme la rémunération du recours au stockage en heure de pointe, des tarifs dynamiques ou la gestion des communautés d’auto-producteurs et d’auto-consommateurs.
Oui, les bâtiments seront des producteurs d’énergie autonomes.
Oui, les consommateurs ont une volonté d’indépendance qu’ils exprimeront aussi sur le domaine de l’énergie
Oui, la volonté de partage gagnera aussi les auto-producteurs
Cette vision n’est certes pas le monde de demain mais celui d’après demain.
Cela laisse le temps aux énergéticiens de s’organiser, de gérer leur mutation par étapes et de se positionner comme un maillon essentiel au service de l’optimisation et de la cohérence de ces nouveaux systèmes énergétiques. Il est temps pour eux de se mettre en marche au risque d’être le lièvre se faisant précéder par la tortue : les premiers à se mettre en mouvement seront non seulement au rendez vous dans quelques années mais ils se différencieront très fortement et très vite aux yeux des consommateurs.
Je suis tout à fait d’accord avec cette analyse; le point clé devient l’interaction avec le consommateur, que les énergéticiens maîtrisent mal, et qu’ils doivent enrichir (applications, réseaux sociaux, …) pour contribuer au développement des nouveaux usages (consommacteurs) et ainsi éviter que la valeur leur échappe.