L’activité service d’un énergéticien doit-elle être externalisée ?

Tous les fournisseurs d’énergie (électricité, gaz, chaleur) ont, depuis quelques années, développé des offres et des activités services.

Les premiers services offerts visaient l’amélioration de la relation client-fournisseur, de « l’expérience » client avec le fournisseur d’énergie. Portails internet, espaces clients, factures digitalisées et expliquées, historiques de consommation ont ainsi été progressivement disponibles.

Très rapidement, face à une concurrence qui s’organisait et commençait à démarcher leurs clients, les fournisseurs d’énergie ont ajouté à leur catalogue des services à « haute valeur ajoutée ». Le terme est vide de sens et tend à sous-entendre que les autres services n’ont qu’une faible valeur ajoutée (ce qui est contraire à la notion même de service).

A titre d’exemple, sans vouloir être exhaustif, ces services regroupent des prestations de conseil ou d’ingénierie (en matière d’installation de chauffage ou de production à partir de sources renouvelables) ou d’efficacité énergétique (audit, contrat de performance énergétique).

Ces services à « haute valeur ajoutée » ont immédiatement confronté les énergéticiens à des enjeux opérationnels :

  • Souvent, pour la première fois, ils opèrent sur un marché fortement concurrentiel car convoité par de nombreux acteurs qui y voient un moyen d’étendre le marché qui leur est accessible (fournisseurs de services historiques), une façon de se différencier aux yeux de leurs clients, une tactique pour éviter que leur offre devienne une commodité (fournisseurs d’automatismes du bâtiment).
    L’ensemble des circuits de décision et des équipes des fournisseurs historiques n’a pas, spontanément, les caractéristiques nécessaires pour être performant dans de tels environnements. Le développement des ventes de ces services reste souvent limité.
  • Le coût de la main d’œuvre chez les fournisseurs d’énergie historiques, très élevée, ne leur permet pas d’être compétitifs.
    Les prestataires de services spécialisés ont depuis longtemps développé leur compétitivité sur des services à fort taux de main d’œuvre.
  • La position de type « juge et partie » des fournisseurs d’énergie, vendeurs de fluides énergétiques et de services visant à réduire les ventes de fluides, est souvent utilisée par leurs concurrents pour pointer du doigt une attitude ambiguë et générer la suspicion sur « l’honnêteté » des offres.
    Les activités portant ces services chez les fournisseurs d’énergie ont donc fréquemment une croissance plus faible qu’attendue et une rentabilité insuffisante. Pourtant, sur un plan stratégique, il semble difficile aux fournisseurs de ne pas occuper ce terrain de bataille sur les marchés.

Ce dilemme se traduit souvent au sein des sociétés impactées par la recherche de meilleures conditions de développement de ces activités services : la piste investiguée la plupart du temps est l’externalisation des services. Les fournisseurs d’énergie y voient un moyen de créer une structure dégagée des « lourdeurs » de la maison mère, de pouvoir adapter les coûts salariaux aux exigences des services et de gagner une image plus indépendante et donc, possiblement plus crédible.

Ainsi de nombreux fournisseurs ont externalisé leurs activités services ou développer certains services au sein de filiales : EDF au travers, par exemple, de Netsenergy ou Edelia, RWE au travers d’Innogy, pendant que d’autres, comme British Gas, font le choix inverse et se proclament avant tout fournisseurs de services.

Cette externalisation des services est-elle la solution miracle ? Pourquoi tous les fournisseurs d’énergie n’ont-ils pas pris cette option ?

En réalité, chaque option présente, comme toujours, avantages et inconvénients.

  • Conserver l’activité services « à valeur ajoutée » au sein de la structure historique, pour les clients professionnels comme pour les clients résidentiels, exige de profonds changements d’organisation, de culture, de mode de décision, de management pour être efficace.
    Ces changements sont longs, complexes. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils soient irréalistes. Ils font souvent peur, surtout au sein d’organisations protégées de tels changements par le passé.
  • Externaliser l’activité services exige d’harmoniser et de rendre cohérentes aux yeux du client les activités commerciales de deux entités distinctes : la maison mère en charge de vendre les fluides et la filiale services.
    Il ne s’agit pas pour les fournisseurs d’énergie de créer des activités services autonomes, comparables aux spécialistes du domaine. Pour atteindre les objectifs stratégiques qui conduisent à la création de ces activités, le client consommateur doit percevoir un continuum d’offre englobant fluides et services, doit se voir offrir une perspective sur plusieurs années en matière de gestion et d’accompagnement énergétique. Etre capable de packager offres fluides et services associés est un avantage dont il est dommage de se passer. La coordination d’entités séparées, aux enjeux de croissance et de rentabilité propres, est délicate car les équipes ont tendance à entrer en compétition, à s’opposer, à se concentrer sur leurs objectifs plus que sur l’optimum global.

Trouver la bonne structure pour développer les services au sein des fournisseurs d’énergie n’est pas simple. Mon expérience ne permet pas de dégager une option meilleure qu’une autre. Dans tous les cas, un inconvénient majeur est à combattre. Pris par les enjeux opérationnels, le fournisseur d’énergie est rarement concentré sur la solution nécessaire pour limiter l’impact de cet inconvénient qui ferait de son activité service un réel succès. Ainsi rares sont, aujourd’hui, les fournisseurs en situation de réussite dans leur stratégie services.

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