La transition énergétique : des jeux d’acteurs potentiellement sclérosants

Toutes les transformations et les changements mettent sous pression les acteurs impactés.

Quel sera leur avenir ? Survivront-ils ? Arriveront-ils à traverser sans dommage la zone de turbulence ? Ne perdront-ils pas de l’argent ?

Autant de questions que se posent naturellement dirigeants et managers. Ces questions les renvoient à des sujets extrêmement sensibles : seront-ils personnellement capables de tenir la barre et conduire le changement ? sont-ils capables d’affronter de tels niveaux de risques et d’incertitude ?

Le risque pris en agissant est toujours plus anxiogène que le risque pris en restant immobile. Et les peurs associées se développent car nous raisonnons trop de manière binaire : soit nous défendons nos positions, soit nous explorons de nouveaux horizons. La réalité, plus complexe, nous pousse à viser simultanément les deux objectifs : nous devons défendre au mieux nos positions tout en cherchant à ouvrir la voie vers le futur, et, bien sûr, gérer tous les paradoxes que cela génère.

Que dire alors des acteurs faisant face à une révolution comme la révolution énergétique actuelle ?

Quelques acteurs se distinguent par la volonté d’affronter cette révolution et de changer en profondeur. Certains comme Energinet.dk au Danemark, Alliander aux Pays Bas ou E.ON multiplient les projets innovants pour tester de nouvelles solutions adaptées à de nouveaux positionnements. D’autres comme Elering ont une volonté toute aussi claire d’explorer de nouveaux horizons mais avancent plus progressivement. D’autres encore, comme Engie, affichent une volonté franche, mis en œuvre dans les grandes décisions, de recomposition du portefeuille d’activités par exemple, mais peinent encore à harmoniser leur fonctionnement interne.

La plupart sont dans une position prudente voire défensive. Les peurs l’emportent sur la capacité de progresser. Au sein de ces sociétés, des fractures apparaissent souvent entre un management par nature plus prudent et une base, plus compétente et plus volontaire à aller de l’avant.

Cette situation semble banale. Et pourtant, nous ne nous en méfions pas suffisamment.

La plupart des pays développent des mécanismes de concertations pour faire évoluer leur législation ou leur réglementation. Ils s’adressent aux principaux acteurs ou aux grands corps constitués et alimentent, par ce biais, les stratégies défensives.

  • Un acteur consulté sera principalement guidé par ses peurs et tiendra, consciemment, des positions au service de sa stratégie défensive.
  • Les processus de concertation donnent plus d’importance à l’avis des gros acteurs, jugés plus compétents ou plus crédibles. Ce sont pourtant eux qui ont le plus à perdre et dont la stratégie défensive prime sur tout.
  • Les corps constitués, associations professionnelles par exemple, sont des amplificateurs au service d’une stratégie défensive ou de la volonté de développer coute que coute de nouvelles solutions.

En l’absence d’un pool suffisamment important d’acteurs tournés résolument vers l’avenir, en l’absence d’une régulation neutre du processus, j’ai pu observer à de maintes reprises que ces mécanismes de concertation, visant à harmoniser et accélérer le changement, renforçaient l’immobilisme.

Ce n’est pas ainsi qu’on construira l’avenir des acteurs énergétiques le plus serein et le plus prometteur. Ce n’est pas non plus ainsi que les écosystèmes énergétiques nationaux respecteront la feuille de route de la lutte contre le dérèglement climatique.

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