Les énergéticiens en quête d’un nouveau leadership

Prenons quelques instants pour regarder les marchés de l’énergie : nous n’avons pas encore trouvé de qualificatif pour décrire justement le niveau de disruption qui les affecte. Car ce sont plusieurs disruptions qui se télescopent et se superposent : technologiques, topologiques, règlementaires, sociétales. Traverser ces ruptures sans dommage: voilà l’enjeu des énergéticiens !

Il n’est pas à la portée des super-experts techniques de la production ou de la distribution d ‘énergie, ceux qui ont dominé le monde énergétique pendant des années car le monde de l’énergie est par exemple également numérique. Il n’est pas à la portée des managers, spécialistes et garants des processus car les ruptures en cours rendent les processus inadaptés et inopérants. Le monde de l’énergie a besoin de leaders, de créateurs de sens, capables de guider leur organisation à travers le chaos.

Comment définir ces nouveaux profils dont le monde de l’énergie a besoin ? Comment les faire émerger ? Comment en être ?

Plusieurs caractéristiques des leaders font habituellement défaut au sein des équipes chez les énergéticiens. Il ne se passe pas une journée sans que je le constate.

La capacité à gérer les paradoxes. Notre éducation nous apprend la simplicité : une assertion est vraie ou fausse, il fait chaud ou il fait froid. La réalité émergente dans le monde de l’énergie confirme ce que nous avions déjà compris : tout n’est pas si simple et les paradoxes y sont nombreux. Les utilities doivent prendre des risques alors qu’elles sont tous les jours plus fragiles et que leurs compétences ne sont pas toujours adaptées, il faut développer de nouvelles capacités de production alors que l’Europe souffre de surcapacités, il faut développer des solutions qui se concurrencent avant de se compléter (Demand Response, Stockage) etc… Il faut donc passer d’une logique de disjonction (ou) à une logique de conjonction (et) et accepter de mener de front des actions pouvant être, au premier abord, antagonistes.

La capacité à gérer les incertitudes. Quelles seront les technologies gagnantes dans lesquelles investir ? Les véhicules hybrides ou les tout-électriques ? Les batteries ou les piles à combustibles ? Sigfox, LoRa ou Wirepas ? La parade n’est pas dans le recours à une quelconque capacité à lire dans une boule de cristal. Des outils existent et doivent être déployés mais surtout, les leaders doivent faire preuve de sang-froid, de courage, quelquefois d’intuition. Ils doivent développer une empathie avec le marché, l’environnement et la société toute entière et chercher à la nourrir pour tous les moyens possibles. Il s ‘agit, en quelque sorte, de savoir mettre l’Homme au centre des systèmes énergétiques plus que les technologies. Cela demande de faire le deuil d’une certaine toute-puissance.

La capacité à dominer ses peurs et de sortir de sa zone de confort : chaque transition énergétique est différente car elle dépend de paramètres nationaux, tous différents : mix énergétique initial, structure des acteurs, énergies disponibles localement etc… La copie de ce qui s’est déjà fait n’est donc pas adaptée : chacun doit créer, certes à partir de briques partagées, sa propre solution et avoir le courage d’abandonner un modèle « ancestral » pour inventer son futur.

Une grande sécurité intérieure, une confiance indéfectible en sa propre compétence et dans celle de ses équipes. Cette caractéristique est probablement la plus paradoxale : il faut allier la forte détermination à se laisser guider par une conviction, des valeurs, une vision et l’interrogation permanente que requiert le développement de l’empathie avec la société. Il est nécessaire d’impliquer de plus en plus d’acteurs et de compétences mais de savoir reconnaître, dans les avis donnés, ceux qui relèvent de la peur de l’inconnu et ceux qui participent à la construction de l’avenir.

Ce nouveau leadership, nécessaire aux énergéticiens, repose sur une vraie perception de la complexité : il s’agit donc de guider des sociétés dans l’exploration des nouveaux marchés, comme Livingstone a guidé son équipe à travers des territoires inconnus.

Personne ne détient la vérité ; de nouvelles méthodologies de décisions, de nouvelles démarches stratégiques, plus partagées, de nouveaux styles de management devront émerger pour permettre à ces nouveaux leaders d’exercer.

Et, comme souvent, quand nous parlons « leader », nous pensons « CEO » ; or, l’enjeu est aussi, et surtout, sur l’évolution des aptitudes du « middle management ».

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