La transition énergétique n’est pas seulement une affaire de scenario

RTE, le gestionnaire du réseau de transport électrique français, vient de publier 5 scenarios de transition énergétique pour aider les décideurs politiques à fixer un cadre à la politique énergétique française. Ce sont 5 scenarii de plus.

Mais qu’apportent-ils de nouveau ? Pourquoi les précédents n’ont pas conduit à une mise en mouvement de l’écosystème français ? Quelles sont les conditions d’une transition énergétique réussie ?

Tout d’abord, malgré quelques points communs, les scenarios ne se ressemblent pas obligatoirement. Leurs buts sont différents : comparer deux options pour mettre en lumière un point précis (un mix 100% renouvelable est-il viable ?), soutenir une démarche militante (montrer l’intérêt de l’éolien ou du solaire photovoltaïque).

De mon point de vue, dans tous les cas, les résultats sont discutables : la profondeur du raisonnement systémique et les modes de calcul permettent de favoriser une conclusion ou une autre. Par exemple, un scenario de très fort développement des énergies renouvelables intermittentes ne sera pas vu avec la même attractivité si l’impact environnemental est mesuré à travers les émissions de CO2 ou s’il est évalué à travers les conséquences diverses d’une surexploitation des métaux rares liée au boom du photovoltaïque et des batteries.

Les scénarii étudiés jusqu’à présent se distinguent par leurs hypothèses de départ : ce sont le plus souvent des choix politiques (fermer les centrales nucléaires dès qu’elles atteignent 40 ans) ou des objectifs structurant (50% de nucléaire dans le mix 2035) dont on évalue les conséquences en termes financiers et environnementaux, en se limitant trop souvent sur le sujet, à l’évaluation des émissions de CO2.

De tels scenarii laissent penser que les choix initiaux sont structurants (et il n’y a pas de doute, ils le sont) et sont suivis de 15 à 20 ans parfaitement prévus et maîtrisés au cours desquels aucune incertitude ou aléa ne viendra troubler le déroulement des opérations. Ce ne sera jamais le cas.

L’ensemble des scenarii ainsi élaborés sont un excellent soutien aux décisions politiques mais ne peuvent en aucun cas constituer une stratégie. L’étude anticipée de l’influence de paramètres « marché » est indispensable pour accompagner la transition énergétique et permettre la réactivité suffisante pour atteindre les objectifs visés dans le cas d’une dérive majeure des conditions environnementales, financières, économiques ou encore technologiques.

Même complétés de cette manière, les scenarii ne sont pas suffisants pour garantir une transition énergétique réussie. Ils ne garantissent le lancement d’aucune dynamique. Bâtir un scénario de transition énergétique sans décrire les conditions de succès et sans mettre en place le cadre nécessaire à la mise en mouvement coordonnée des acteurs est voué à l’échec.

S’engager avec succès dans une transition énergétique exige de fixer un cap et une ambition politique (via des scenarii), de doter le pays d’un cadre règlementaire et législatif régulièrement évalué et ajusté (tout en offrant de la visibilité aux investisseurs), d’une supervision globale de la transition garantissant sans cesse la volonté d’avancer, d’un cadre de concertation adapté à chaque question, d’une coordination efficace de l’ensemble des parties prenantes tenant compte des intérêts et des enjeux de chacun et d’une éducation permanente de l’opinion publique.

Il est dommage que les pays européens ne collaborent pas suffisamment pour échanger leurs bonnes pratiques et que la France, en particulier, se soit beaucoup concentrée, jusqu’à ce jour, sur les études répétées de divers scenarii.

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