L’autoconsommation collective suscite-t-elle un engouement justifié ?

L’autoconsommation individuelle de l’énergie produite par des panneaux photovoltaïques a été développée depuis plusieurs années dans de nombreux pays d’Europe. Le dernier « grand pays » à lui avoir offert un cadre légal est la France en 2017. Aujourd’hui, il semble évident de devoir consommer ce qu’on produit : le principal avantage à mes yeux de rendre chaque micro-producteur actif et donc plus attentif aux nombreuses mutations du monde énergétique.

L’autoconsommation collective, c’est à dire la possibilité de partager entre plusieurs consommateurs, généralement géographiquement proches, la production d’une ou plusieurs installations de faible puissance (PV ou autre) est plus récente. La presse en parle beaucoup et cela semble être un des sujets énergétiques à la mode.

Mais que se cache-t-il derrière ce nouveau dispositif ? Est-il vraiment avantageux et s’impose-t-il de manière évidente ?

Oubliant qu’il y a un investissement à amortir, beaucoup considèrent que l’autoconsommation donne accès à une électricité moins chère. A ce titre, les habitants d’immeubles, propriétaires et locataires semblaient défavorisés : l’autoconsommation collective leur donne un accès identique à une électricité moins chère.

L’autoconsommation est dans l’air du temps ; elle correspond, par ses fondements, à plusieurs aspirations sociétales actuelles :

  • Le partage donne l’impression d’être plus efficace, d’une part, de se regrouper pour être plus forts, d’autre part. Il permet donc à des consommateurs de s’unir pour prendre une part d’indépendance vis à vis d’énergéticiens dont ils se sentent dépendants, sans influence possible. Le partage leur donne un levier d’action.
  • L’économie : consommer sa propre production réduit le recours à une infrastructure lourde et couteuse et donne accès à une énergie « gratuite ».
  • L’optimisation : éviter de transporter l’électricité semble à beaucoup de consommateurs un espoir de gain et donne l’illusion de contribuer à une optimisation collective des infrastructures énergétiques.

A ce titre, elle est largement soutenue par les décideurs politiques. Dans les pays où elle a été autorisée en premier, l’Allemagne en priorité, elle a permis l’émergence de nouveaux acteurs qui, à partir d’une activité autre (installation de panneaux PV, financement de panneaux PV etc…), ont développé un positionnement local de fournisseur d’énergie pour le compte des communautés partageant une même production locale. Les fournisseurs d’énergie se sont donc rapidement positionnés pour occuper ce nouveau terrain et éviter une « fuite de parts de marché ».

Les caractéristiques les plus fortes de l’autoconsommation collective ne sont pas toujours celles dont on parle le plus.

Il n’est pas certain que le retour à des communautés d’auto-consommateurs soit énergétiquement parlant, plus efficace : le recours à un partage plus large via le réseau permettait des coûts d’équilibrage beaucoup plus faibles.

Par contre, ces communautés présentent l’avantage d’engager les consommateurs et on observe chez eux une meilleure acceptation, à défaut d’une meilleure compréhension, des évolutions des systèmes et marchés énergétiques. De plus, elles permettent un recours plus important à du capital d’origine privé, si important pour accélérer la transition énergétique. Ce recours est d’autant plus utile qu’il ne nécessite pas de stimulation sous forme de subventions : il est nécessaire pour cela que l’investissement dans des infrastructures de micro-production partagées soient rentables en moins de 10 ans.

Le démarrage de chaque communauté suppose la conception du dispositif de mesure, qui ne peut être évité car il y a toujours des particularités à prendre en compte. Cette conception est couteuse par rapport à la taille de la communauté : sa prise en charge est quelquefois problématique.

La personne qui investit dans une installation PV devant alimenter plusieurs consommateurs, habitants d’un même ensemble immobilier, compte d’abord ses futurs clients et prévoit en conséquence son retour sur investissement. Supposons (cas vécu) que 10% des occupants des immeubles, tous clients de ce micro-producteur (indépendant dans le cas en question), déménagent au cours des deux premières années de vie de l’installation et soient remplacés par de nouveaux habitants qui, tous, ne souhaitent pas se joindre à la communauté. Il est facile d’imaginer dans ce cas la situation vécue par l’investisseur. Imaginons l’imbroglio qu’aurait été cette situation si l’installation avait été une propriété partagée entre habitants ! N’oublions pas qu’à tout moment, tout consommateur doit être libre de choisir son fournisseur d’électricité : toute solution lui supprimant ce choix est donc à proscrire !

Le coût de gestion de ces situations, des conflits entre habitants quant à l’utilisation de cette énergie commune, est donc à prendre en compte dans ce que coute l’énergie autoconsommée dans de telles communautés. Dans ces conditions, il y a peu de chances qu’elle reste moins chère.

Aujourd’hui, nous sommes dans une phase pionnière où les acteurs économiques qui assurent la gestion de ces communautés assument des coûts non prévus. Le développement rapide et volontariste de telles communautés sous leur responsabilité est donc momentanément compromis.

Plusieurs solutions permettent de contourner cette difficulté :

  • Adopter une organisation collective des consommateurs pour gérer leur communauté, comme on peut gérer une copropriété mais l’appui d’un professionnel sera vite nécessaire.
  • Déléguer une partie des tâches à des acteurs du monde régulé comme les GRDs, en acceptant les perturbations ainsi introduites dans le fonctionnement de l’écosystème énergétique.

A la lumière de ces réflexions, je crains que l’enthousiasme généré par l’autoconsommation collective traduise l’importance prise par l’émotionnel et le politique à son propos : l’intérêt de l’auto-consommation collective est fort mais la réussite de son développement passe par un questionnement du périmètre nécessaire à sa rentabilité économique et énergétique (et l’adaptation de la réglementation à la réponse apportée) et par la mise en place de structures de gestion efficaces et peu couteuses de ces communautés d’auto-consommateurs.

S’engager dans des voies innovantes demande à ne pas rester au milieu du gué.

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