Le processus de développement d’une Smart City : un enjeu qui mérite attention

Une Smart City n’est ni une affaire de technologies, ni une affaire de techniques. Cette vérité semble aujourd’hui faire la quasi-unanimité dans les publications bien qu’elle ne semble pas acquise dans les faits.

Ce grand écart laisse penser que le développement des Smart Cities répond aujourd’hui à des enjeux très forts à défaut d’être légitimes : économiques, idéologiques ou politiques court terme. Pour beaucoup de villes, il faut se montrer dans le vent, innovants, tournés vers l’avenir.

Quelques exemples (Amsterdam, Stockholm, Londres) nous permettent toutefois de mesurer l’importance de divers ingrédients, dans la réussite du déploiement des Smart Cities.

Parmi eux, le process mis en place pour initier, et entretenir dans le temps, la dynamique de développement de la Smart City, est un ingrédient fondamental.

Une ville peut avoir défini sa vision et les axes politiques associés pour la décliner au niveau, par exemple, des transports, du traitement des déchets, de la mobilité ou de la culture. Ce travail de l’ombre est un prérequis nécessaire mais en aucun cas suffisant pour assurer la transformation de la ville découlant de cette vision.

Le process de déploiement nécessaire suppose la mise en place d’actions et de structures pérennes pour :

  • Mettre les habitants au cœur du déploiement de la Smart City

La grande difficulté de cet objectif ne réside pas dans la conception et le choix des actions correspondantes à mettre en œuvre mais dans la marge d’action et d’initiative (re)donnée aux citoyens.

Leur redonner une marge d’initiative signifie que d’autres doivent l’abandonner. Cela signifie également qu’il faut rendre les habitants effectivement capables de davantage d’initiatives : pour cela, beaucoup de pédagogie est nécessaire.

Il me semble par contre important d’éviter les jeux de dupes : les citoyens peuvent faire part de leurs expériences de vie et des choix associés, participer à la mise en œuvre de solutions mais ne peuvent pas supplanter les experts dans les choix techniques. Il ne faut ni leur faire croire qu’ils en ont la possibilité, ni les y inviter.

  • Mobiliser l’ensemble des ressources

Cette mobilisation s’entend à deux niveaux : un niveau quantitatif, racine de l’adhésion à la Smart City et un niveau qualitatif constituant à réunir les meilleurs experts pour créer le meilleur espace urbain.

Elle repose sur la motivation donnée aux différents acteurs : la vision de l’objectif à atteindre y contribue autant que la reconnaissance affichée et la rétribution (pas seulement économique) des initiatives et des réussites.

  • Bâtir une économie du partage, notamment des données

Cette économie de partage est dans l’air du temps ; elle ne me semble pas seulement être un effet de mode. Elle répond à deux besoins émergents fortement dans les milieux urbains.

Le premier est un besoin d’optimisation économique. Les villes n’ont plus les moyens de dupliquer leurs infrastructures, par exemple, de communication, de gestion de données ou d’acquisition de données. Les infrastructures doivent être partagées et mutualisées.

Le deuxième est un besoin sociologique : l’économie de partage participe à la (re)création de liens entre les habitants.

A travers le processus de déploiement de la Smart City, les autorités urbaines doivent trouver les moyens de redistribuer les revenus au bénéfice de ces partages.

  • Stimuler l’innovation et l’émergence de nouvelles technologies

L’innovation est un point clé et un facteur de succès indéniable. La notion même d’innovation induit une idée de création de valeur mais demande d’affronter les risques inhérents.

Si la création de valeur est généralement recherchée, les risques associés à l’innovation sont rarement acceptés. Les fabricants comme les villes recherchent implicitement une innovation sans risque, c’est à dire une absence d’innovation.

Une ville se disant « innovante » doit effectivement prendre des risques face aux citoyens. L’échec, comme risque indissociable de l’innovation, et non comme résultat d’une faiblesse ou d’un laxisme, doit être assumé par tous. Selon les cultures, plus ou moins de pédagogie est nécessaire entre les édiles et les habitants.

  • Garantir les valeurs

Enfin, chaque Smart City est différente car chaque Smart City puise ses racines et ses vérités dans la culture et les valeurs locales. Si certaines solutions digitalisées peuvent être déployées avec succès dans plusieurs villes, la manière dont elles sont déployées, présentées, intégrées dans le processus global de la Smart City, est unique.

Si les élus, les dirigeants urbains et les urbanistes ne maîtrisent pas les technologies, ils ne doivent pas pour autant se reposer totalement sur des tiers pour porter le gérer leur projet de ville intelligente, car ils restent malgré tout les principaux garants de la culture et des valeurs locales.

Ce processus demande du courage aux autorités locales et aux citoyens. Ce courage est nécessaire pour, tout au long de ce processus, garder un lien indéfectible entre le sens et les actions, entre les autorités et les citoyens, entre chaque individu et ses devoirs. Ce processus nous rappelle en effet l’importance pour chacun d’assumer pleinement ses responsabilités (de citoyen ou d ‘élu), de ne pas les faire assumer à d’autres pour mieux se désolidariser des échecs et de ne pas chercher à assumer celles qui ne nous incombent pas.

La réussite d’une Smart City au travers de ce processus vise donc à (r)établir justesse et justice.

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