La transition énergétique, c’est l’évolution vers un nouveau mix c’est à dire vers un nouveau portefeuille de technologies de production d’énergie finale, la forme sous laquelle nous consommons, nous utilisons l’énergie.
Dans la plupart des pays, dans le sillon du protocole de Kyoto et plus récemment de la COP21, la transition énergétique se traduit par l’introduction d’énergies renouvelables et notamment, mais pas seulement, d’énergies renouvelables intermittentes (solaire photovoltaïque, éolien).
Ces énergies renouvelables trouvent leurs sources dans des gisements et potentiels locaux (taux d’ensoleillement, régime des vents, réserve de biomasse, potentiel géothermique, potentiel de biogaz issus soit de l’agriculture, soit du traitement des déchets); elles donnent lieu à la construction de centrales de production locales, proches des sources d’énergie.
Certaines énergies renouvelables, comme la biomasse et la géothermie, sont particulièrement adaptées pour alimenter les réseaux de chaleur. Ces derniers sont des infrastructures alimentant de petits périmètres et renforcent le caractère local des énergies renouvelables.
À travers l’évolution du mix énergétique, la transition énergétique est aussi la localisation et la décentralisation des systèmes énergétiques.
La transition énergétique conduit donc à une montée en puissance des acteurs et des décideurs locaux. Ces acteurs et ces décideurs, exploitant de systèmes énergétiques locaux, directeur et coordinateurs énergétiques territoriaux, sont désormais en position d’influencer l’évolution des systèmes énergétiques. Les grands acteurs nationaux, verticalisés, spécialisés ne peuvent plus être les seuls décideurs. Il est nécessaire pour eux de renforcer leur proximité avec les villes et les régions, de se coordonner avec les acteurs locaux.
La transition énergétique c’est donc aussi une évolution profonde de la gouvernance des systèmes énergétiques et de chacune de leurs composantes.
J’ai déjà évoqué le fait que les énergies renouvelables telles que la biomasse et la géothermie permettent d’alimenter des réseaux de chaleur. Etant, énergétiquement parlant, plus performants que les installations individuelles, ces réseaux de chaleur ( et de froid) sont appelés à se développer. Cette « centralisation » ou cette mutualisation progressives des systèmes thermiques dans les communautés urbaines favorisent dans certains pays la desélectrification des applications thermiques.
La transition énergétique, c’est donc aussi l’évolution des applications servies par l’électricité.
L’introduction d’énergies renouvelables intermittentes bouleverse l’équilibre des réseaux électriques. La consommation d’électricité n’est plus la seule composante difficilement prédictible. La production solaire et éolienne devient à son tour variable et difficilement prédictible. De nouveaux mécanismes sont nécessaires pour conserver la fréquence et l’équilibre de ces réseaux. Ces mécanismes combinent des solutions de stockage, de modulation de la production, de modulation de la consommation. Ils devront très probablement être déployés sur différentes tailles de territoire (supranationale, nationale, locale) et à différents horizons de temps.
Certaines technologies de stockage comme le Power-to-gas, certaines technologies de production comme la cogénération, créer des liens entre énergies, auparavant inexistants.
La transition énergétique, c’est aussi une évolution fondamentale de la manière d’exploiter les systèmes énergétiques.
Nous savons tous que la transition énergétique doit respecter les fondamentaux de toute politique énergétique à savoir : le coût de l’énergie, la disponibilité de l’énergie, l’impact environnemental de l’énergie, la dépendance énergétique.
La transition énergétique, c’est garder un équilibre pendant l’ensemble de cette transition entre la vitesse imposée par les objectifs environnementaux et la prudence ou le temps imposés par les impératifs de coûts, de disponibilité et d’indépendance.
Au vu de ces quelques réflexions, la transition énergétique, bien que souvent présentée comme une simple évolution, est bel et bien une révolution.
Dans tous les pays, la transition énergétique demandera du temps. Elle sera un véritable parcours pour l’ensemble de l’écosystème énergétique national et exigera une évolution et une adaptation régulières et coordonnées à la fois de la règlementation et des acteurs. Ces adaptations indispensables cachent des enjeux majeurs : certains acteurs importants, jusque-là protégés par une situation de monopole, vont devoir définir une stratégie gagnante dans ce nouveau paysage, exercice délicat, jusque-là inconnu d’eux. D’autre part, le législateur va devoir, lui aussi, faire preuve d’adaptabilité en prévoyant des réglementations adaptées à chaque phase de cette transition. Cela exigera une connexion forte et continue aux besoins de l’écosystème, une grande adaptabilité et des temps de réaction courts. L’époque des lois-cadres définissant le marché de l’énergie pour 20 ans est révolue.
La transition énergétique recèle une ambiguïté majeure : la lenteur de l’évolution des systèmes énergétiques laisse penser que nous avons du temps. Or, l’importance du chantier, la profondeur de la révolution à opérer ne laissent quant à eux aucune liberté. La transition énergétique est, pour tous les pays, un chantier à démarrer rapidement et à conduire avec constance. En théorie, les objectifs de coût, d’indépendance énergétique, de réduction de l’impact environnemental, sont apolitiques et n’ont aucune raison d’être remis en cause. La transition énergétique peut et doit être menée indépendamment des aléas de la vie politique.
Pour mener à bien une telle révolution, il me semble indispensable que chaque pays se dote d’un coordonnateur national, au profil autant institutionnel que business, disposant d’un mandat clair, chargé d’établir les liens nécessaires entre tous les acteurs, chargé de coordonner l’évolution des dispositifs réglementaires, l’évolution des acteurs en lien avec l’évolution des marchés. Ce sera probablement le moyen pour que la révolution des marchés énergétiques ne devienne pas la révolution sur les marchés énergétiques.
(Article publié le 3 mai 2017 sur lemondedelenergie.com)
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