Beaucoup de termes désignent ce qui semble relever d’une action, d’une gestion de la demande en électricité : flexibilité, effacement, gestion de la demande, écrêtage de la pointe, délestage.
Font-ils référence aux mêmes actions ? Ces actions sont-elles complémentaires ou antagonistes ? Ou sont-elles l’évolution dans le temps d’un même concept ?
Pour éclairer la question, il est nécessaire de considérer l’état de maturité ou de développement d’un système énergétique, national dans la plupart des cas.
Quand les capacités de production électrique d’un pays sont sous-dimensionnées et ne couvrent qu’une partie des besoins, le pays se trouve fréquemment en situation de pénurie : il s’agit dès lors d’arbitrer, entre les consommateurs, quels sont ceux qui doivent bénéficier en priorité de l’électricité produite. Cette décision est éminemment politique, privilégie toujours l’industrie et les sites sensibles (hôpitaux). La manière d’adapter la demande dans ce cas est de délester les clients non prioritaires. C’est brutal mais sans ambiguïté.
La situation peut se reproduire chez un grand consommateur dès lors que l’énergie dont il dispose est limitée, par contrat ou par manque de capacité de production. Le premier mode d’action utilisé est de délester les charges non prioritaires, quitte à subir les conséquences mineures de leur arrêt.
Ce mode d’action concerne les pays émergents, les pays les plus développés à l’époque d’après guerre et les acteurs les moins aguerris à la gestion de la demande.
Dans le cas où la situation de pénurie évoquée ci-dessus a été adressée, seules quelques périodes dans l’année présentent un solde déficitaire entre production et consommation. Ces « pointes » de consommation correspondent très souvent à des pics d’activité des applications thermiques (chauffage en période hivernale, climatisation en période de très forte chaleur).
Les modes d’action privilégiées pour gérer ces périodes reposent sur une incitation des consommateurs à modérer leur consommation en échange d’avantages tarifaires. Soit un tarif spécifique est conçu à cet effet (comme l’ancien EJP d’EDF en France), soit les énergéticiens bâtissent un programme incitatif auquel les consommateurs peuvent adhérer.
La « main » est donc souvent laissée aux consommateurs pour « effacer » des charges. On parle d’effacement, pour désigner l’action elle-même ou d’écrêtage de la pointe pour décrire son effet.
Ce mode d’action concerne les pays en voie d’industrialisation, les pays les plus développés jusqu’aux années 2000 et les acteurs dans l’enfance de la gestion de la demande.
Pour de multiples raisons, les capacités de production d’un pays peuvent devenir excédentaires, même lors des périodes de pointe. L’électricité a désormais un coût variable, selon les technologies de production ou selon la période. L’enjeu, dans un tel contexte, est de faire correspondre la production avec la consommation. Les moyens d’action disponibles pour ajuster la production sont moins nombreux qu’auparavant : certaines sources de production ne sont facilement ajustables (solaire, éolien), d’autres ne fonctionnent que par intermittence. Les consommateurs sont donc de plus en plus sollicités pour participer à cet équilibre et ajuster leur niveau de consommation.
Cette activité d’ajustement doit être permanente, à la hausse ou à la baisse. Elle n’est plus liée aux pointes de consommation ; elle fait partie intégrante des mécanismes de gestion et d’équilibrage des réseaux. En particulier, tous les réseaux de distribution d’eau, de gaz ou de chaleur ont une forte capacité à participer à ces mécanismes d’équilibre, en offrant une flexibilité importante de consommation électrique. Il en est de même pour les grandes pompes à chaleur ou pour les cogénérateurs. Ainsi, toutes les composantes d’un système énergétique, en étant liées, participent à son bon fonctionnement.
Ce mode de flexibilité « totale » concerne les pays industriels, les pays ayant fortement développé les énergies renouvelables et les acteurs les plus avancés.
Observer les modes de gestion de la demande en place, peut être un indicateur du dimensionnement des capacités de production d’électricité d’un pays, tout autant qu’un indicateur de la maturité de l’interlocuteur en matière de gestion de la demande. Il est important de ne pas rester au niveau des mots. Je suis surpris d’entendre des grands acteurs parler aujourd’hui de flexibilité pour désigner des effacements valorisés de manière poussive !
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