La transition énergétique peut être conçue comme un concept fourre-tout dans lequel on regroupe toutes les évolutions du mix énergétique, des systèmes énergétiques et de la règlementation.
Ce choix a l’avantage de la simplicité. Il comporte des inconvénients majeurs qui en ralentisse l’adoption et la mise en œuvre : la confusion, notamment de l’opinion publique, qui a plutôt vocation à être éduquée sur le sujet, l’apparition de paradoxes difficilement compréhensibles et donnant prise aux détracteurs de toute transition.
Comment clarifier les messages ? Comment structurer les informations pour éviter les pièges évoqués ci-dessus ?
Je ne pense pas qu’il y ait une unique recette pour cela. Néanmoins, voici les éléments de clarification que je propose lors de mes nombreuses interventions en entreprise, en école et autres institutions.
Une transition énergétique répond à un objectif politique ou un objectif de performance d’un système énergétique national, cet objectif étant le coût de l’énergie, l’indépendance énergétique, la sécurité d’approvisionnement ou la protection de l’environnement, sans bien sûr dégrader l’équilibre des performances sur les différentes composantes.
Aujourd’hui, on peut voir des transitions répondant à plusieurs objectifs :
- Réduire les émissions de CO2 liées au secteur de l’énergie. Cet objectif est partagé par la grande majorité des pays qui le considère comme urgent et prioritaire.
- Sortir du nucléaire. Cet objectif concerne quelques pays comme l’Allemagne, la Suisse ou la France.
- Réduire la dépendance des mix énergétiques vis à vis de ressources naturelles épuisables. Cet objectif, de rang 2, concerne de nombreux pays.
- Donner de la compétitivité à l’économie en offrant une énergie bon marché, objectif poursuivi aux USA, par exemple.
Dans chacun des cas, on peut mettre en évidence des bénéfices (Réduction des coûts de l’énergie), des effets secondaires et des catalyseurs (Disponibilité de nouvelles technologies), qui ont ou sont un effet de la transition énergétique sans en être le déclencheur principal.
En Europe, deux transitions énergétiques dominent : celle visant à réduire les émissions de CO2 et celle visant à réduire la part du nucléaire.
Remplacer des capacités de production nucléaire par des capacités de production solaire ou éolienne a un effet limité sur les émissions de CO2, quasi nul si on prend en compte la seule phase de production de l’énergie, négatif si on prend en compte l’ensemble du cycle de vie des installations. Répondre à la deuxième transition ne contribue pas à la première.
A l’inverse, développer les énergies solaire et éolienne introduit une part d’énergies intermittentes. La stabilité et le fonctionnement à moindre coût du réseau électrique suppose d’avoir une énergie de bandeau, c’est à dire produite de manière continue …représentée souvent par l’énergie nucléaire si on n’admet pas les émissions de CO2 des énergies fossiles traditionnelles. Répondre à la première transition freine donc la deuxième.
J’entends déjà des controverses, certaines études ayant montré la viabilité d’un scénario 100% renouvelable à court terme. Celle de l’ADEME, comme les autres, a pris un cadre restreint conduisant à une conclusion provocatrice destinée à faire évoluer les acteurs : les besoins de stabilité du réseau au pas infra-horaire ne sont pas pris en compte de même que la faisabilité, économique par exemple, de la transition examinée n’est pas étudiée.
Pendant quelques années encore, les deux transitions évoquées seront partiellement antagonistes : dès lors, soit on priorise l’une par rapport à l’autre et on se focalise sur la réduction des émissions de CO2, soit on cible un équilibre entre les deux et on pourrait avoir à renoncer à une part de performance sur les émissions de CO2, ce qui ne me semble pas possible.
Au-delà d’une à deux décennies, il est envisageable de voir émerger de nouvelles technologies permettant de cibler simultanément les deux objectifs.
Il me semble essentiel à court terme, pour accélérer l’évolution de nos systèmes énergétiques, de faire des choix clairs et clarifiant, de manière à pouvoir expliquer les enjeux aux opinions publiques, à réduire la confusion et centrer les débats sur des questions bien cernées.
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