Tout d’abord, accordons-nous sur ce qu’est le lobbying : pour moi, il comprend toutes les actions d’influence menées pour le compte d’un ou plusieurs acteurs économiques pour influencer des décideurs et principalement des législateurs.
Un lobbying représente souvent exclusivement les intérêts de ses commanditaires : il est souvent défensif comme on peut le voir sur certains sujets environnementaux : c’est celui dont les journalistes d’investigation sont friands et qu’ils dénoncent pour leurs effets négatifs.
Mais il existe aussi un lobbying représentant d’abord les intérêts de la communauté et, par ricochet seulement, ceux de ses commanditaires. Il n’émane nullement d’une vision de l’esprit ni d’un doux rêve naïf. J’ai eu la chance de conduire de telles actions, il y a bientôt 20 ans, auprès de sénateurs et de représentants américains, pour promouvoir des solutions globales d’efficacité énergétique.
Mais pourquoi, en Europe, la transition énergétique nécessiterait de repenser le lobbying ? De quel type de lobbying a-t-on besoin aujourd’hui ?
Aujourd’hui, le législateur en charge de la transition énergétique écoute des groupes constitués, forts, souvent avec un ancrage historique, représentant les positions de différents types d’acteurs. Ils expriment des positions qui, à de très rares exceptions près, sont les intérêts directs des acteurs représentés : par exemple, les gestionnaires de réseaux de transport (GRTs, à travers l’ENTSO-E), les gestionnaires de réseaux de distribution (GRDs, à travers l’EDSO ou le CEDEC), les fabricants de compteurs à travers l’ESMIG. La plupart de ces associations sont présidées par les acteurs dominants, ceux qui ont davantage à perdre et qui vont promouvoir des stratégies plutôt défensives.
Or, la transition énergétique est une évolution systémique du monde de l’énergie. Les solutions nécessaires pour atteindre nos objectifs, les architectures des nouveaux systèmes énergétiques, les conditions de fonctionnement de ces systèmes supposent probablement certaines évolutions contraires aux intérêts court terme de tels ou tels acteurs. Les rôles de chacun et donc les frontières entre acteurs pourraient avoir besoin d’évoluer.
Quelle association actuelle va donc travailler pour élaborer de telles propositions ? Les GRDs vont-ils proposer de déléguer, quand cela est nécessaire, la gestion opérationnelle des systèmes énergétiques urbains ? Les GRTs et les GRDs vont-ils proposer une évolution de leurs responsabilités respectives ? Qui va proposer une évolution des mécanismes d’appel de flexibilité partagés entre GRTs et GRDs réservés à des acteurs et des technologies réputés fiables, avec des rémunérations permettant de garantir la qualité des prestations offertes ?
La synthèse des différents intérêts exprimés est laissée aujourd’hui au législateur : elle ne peut reposer que des critères politiques. Ils sont importants mais gagneraient à être complétés par des critères de performance : des groupes d’intérêt transverses, au service de la communauté, seraient à même de proposer une synthèse plus ajustée.
Les acteurs participant à ces groupes ne verraient-ils pas leurs intérêts représentés ? Bien sûr que si ! Nos objectifs énergétiques sont vitaux : nous devons les atteindre. Deux solutions se présentent dès lors pour cela : les acteurs défendent leurs intérêts indépendamment les uns des autres et prennent le risque de subir des évolutions législatives brutales, auxquelles ils doivent s’adapter rapidement, c’est à dire au détriment de leurs employés …et quelquefois de leurs actionnaires. Ou ils défendent les intérêts de la collectivité, lui font gagner du temps, et en profitent pour mettre ce temps au profit de changements internes moins douloureux.
Dans le second cas, les actions de lobbying ont également une dimension pédagogique : elles conduisent à un autre rapport entre les décideurs, législateurs en tête, et lobbyistes.
Quelques tentatives de regroupements transverses émergent au profit d’actions globales au service de la transition énergétique, comme l’atteste l’exemple de la création récente du syndicat français Symbiote, regroupant tous les métiers contribuant à la rénovation énergétique des bâtiments. Sera-t-il suivi d’autres exemples ?
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