La multiplication des applications numériques est coûteuse. Dans le cas des systèmes énergétiques distribués ou dans celui des villes, la mutualisation des infrastructures, d’acquisition ou de communication de données par exemple, semble être une voie d’optimisation des capitaux investis pour le compte de la digitalisation de l’énergie.
Pour autant, la migration vers de telles infrastructures n’est pas aussi rapide que souhaité. Pourquoi ? Existe-t-il des alternatives ou des raisons de ne pas suivre cette évolution ?
La première raison, me semble-t-il, tient au fait que mutualiser des infrastructures demandent une vision prospective, une sorte de schéma directeur de développement. Il s’agit en effet souvent, à l’occasion du déploiement d’une ou plusieurs applications majeures, de prévoir l’ensemble des besoins possibles que devra servir cette infrastructure partagée, pour mieux la définir ou la dimensionner.
Cet exercice n’est pas impossible et n’est pas seulement une production de l’esprit. Il exige cependant de réconcilier deux aspects souvent vus comme contradictoires : la planification, quelquefois associée à la rigidité, surtout quand elle est conçue comme une « décision prise par avance », et la possibilité d’une agilité nécessaire pour faire face à des besoins futurs imprévus.
Des méthodes existent pour cela mais peu de villes ou d’énergéticiens les ont utilisées. Les décideurs associent beaucoup de risques à ces démarches anticipatrices et sont réticents à les initier, préférant subir les évolutions successives …et coûteuses. Cela restera toujours possible tant qu’ils en auront les moyens.
La deuxième raison tient aux industriels. Il semble évident pour chacun d’eux que les décisions d’achat de leurs produits se basent de moins en moins sur les caractéristiques de ces produits et de plus en plus sur la valeur qu’ils permettent de créer. Les données captées et fournies par leur produit, ou plutôt le sens qu’elles prennent, devient essentiel.
Pour répondre à cette évolution et pour garder la main sur les décisions d’achat les concernant, pour ne pas être réduits à des fournisseurs de commodités, les industriels ont successivement franchi plusieurs étapes. Ils ont rendu leurs produits communicants pour avoir de nouvelles données. Ils ont conçu des architectures de communication, adaptées à l’environnement et aux besoins de leurs clients, basées ou non sur des standards existants, pour livrer ces données à leurs clients. Ils ont complété leur offre par des softwares pour mettre à disposition ces données. Ils ont enfin développé des logiciels pour donner du sens aux données. Dans le monde de l’énergie, les fabricants de compteurs ou de solutions de monitoring de postes de transformation sont de parfaits exemples de ce mouvement.
Chaque industriel a donc tenté de fournir une application verticalisée, parfaitement optimisée, qui font désormais partie du paysage.
Mutualiser des infrastructures, c’est donc renoncer à ces solutions optimisées et verticalisées, c’est s’opposer aux industriels en leur demandant de morceler leur offre, c’est prendre le risque qu’une application particulière soit momentanément moins bien dotée.
Mutualiser des infrastructures, c’est perdre une part du contrôle d’un panel de fournisseurs traditionnels et s’allier avec un acteur majeur des communications et surtout des plateformes IT. Ce mouvement peut faire peur aux villes, réticentes à devenir dépendantes d’un de ces géants, comme aux industriels, possiblement relégués au second plan.
La mutualisation des infrastructures peut, en ce qui concerne l’IT et les communications, cacher un bras de fer entre ce qui semble être une évidence économique et la défense, fort compréhensible, d’intérêts industriels.
Comme dans tous les bras de fer, il y aura un gagnant et un perdant. N’y a-t-il donc pas une autre voie à suivre pour qu’il n’y ait pas de perdant ?
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