Efficacité énergétique : est-ce le suicide des fournisseurs d’énergie ?

A première vue, le développement d’une meilleure efficacité énergétique se traduit par l’érosion de l’activité des énergéticiens. 

Ce qui conduit certains d’entre eux à montrer qu’ils contribuent comme personne à une meilleure efficacité en en faisant le moins possible. Pardon à ceux qui seraient choqués par une telle assertion.

Cette stratégie est-elle une fatalité ? ou la seule option qui se présente à un énergéticien pour réagir à ce qui apparait d’emblée comme une menace majeure ?

La réponse dépend d’abord de l’énergéticien, de comment il aborde cette question, s’il entrevoit ou veut entrevoir une réponse ; c’est une affaire de stratégie et, comme le conseil, la stratégie est d’abord l’art de multiplier les regards qu’on porte sur une situation, l’art de trouver un angle novateur sous lequel considérer une situation. Comme tout art, il demande entrainement, expérience, travail, savoir-faire et volonté. Et il faut bien admettre que tous les énergéticiens n’ont pas eu l’occasion de développer ces caractéristiques depuis longtemps.

Nous pouvons éclairer la question sur au moins trois axes :

  • La proportion des consommateurs sensibles aux économies d’énergie augmente régulièrement : certains pourraient être prêts à sanctionner un énergéticien sans être capable de s’engager eux-mêmes dans des actions volontaristes. L’attitude passive d’un énergéticien au regard de l’efficacité énergétique pourrait affecter la fidélité des clients : je l’ai observé chez certains de mes clients. Une bonne communication peut retarder les sanctions du marché mais en augmente l’amplitude, toujours proportionnelle à la déception des consommateurs devant un écart entre promesse et réalité. La fidélisation des clients conduira toujours davantage les énergéticiens à s’engager réellement en faveur d’une meilleure efficacité énergétique.
  • Résoudre l’équation posée par la chute des consommations conduit à explorer au moins deux pistes : la première consiste à trouver des revenus alternatifs. Cette piste débouche de facto sur le mythe des services. Faciles à imaginer, moins faciles à concevoir (surtout dans l’optique de revenus récurrents), encore moins faciles à vendre car ils requièrent une grande intimité avec le client. Elle peut aussi mener à vendre d’autres fluides, activité souvent consommatrice de capitaux mais permettant, avec les réseaux de chaleur de créer de nouveaux monopoles pour quelques décennies supplémentaires. Cette piste est quasiment obligatoire, elle ne garantit pas une croissance à long terme (car l’efficacité énergétique s’applique à tous les fluides) mais elle permet de « consolider » certains revenus au prix d’une diversification du mode d’action de l’énergéticien.
  • La deuxième consiste à augmenter la marge par client. Peu d’énergéticiens mesurent leur marge par client ou par segment de clients. Il est toutefois douloureux ou riche d’enseignements de mesurer que certains clients sont servis à perte ou presque. Choisir ses clients, conduire une réflexion spécifique sur la valeur qui leur est délivrée est, dans beaucoup de cas, un exercice essentiel.

Il y a tout lieu de penser que l’inaction d’un énergéticien face à l’efficacité énergétique croissante des systèmes, des équipements et des consommateurs est effectivement un suicide à moyen terme.

Mais éviter ce suicide n’est pas de tout repos car déployer une stratégie pour contrer ses effets, restructurer les revenus et augmenter les marges par client, suppose beaucoup de changements qui demandent du temps, du courage et de la persévérance pour être réussis.

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