Jusqu’à présent, les standards énergétiques des bâtiments qui se sont imposés en Europe ont été des spécifications techniques recommandant la mise en œuvre de technologies et de solutions permettant d’atteindre une performance technique partielle.
A titre d’exemple, c’est le cas, en Suisse, du standard Minergie, en Allemagne, de Passivhaus, en France de la RT 2012.
Ces standards ont permis une progression indiscutable des performances, mais ils ne permettent pas, dans la plupart des cas, de garantir une performance complète. Il y a plusieurs raisons à cela :
- Il n’est pas prévu de mesurer les résultats : une fois construit, le bâtiment ne fait l’objet d’aucun contrôle de performance : le recours à une technologie inadaptée au bâtiment en question ou une mise en œuvre défectueuse n’ont donc aucune incidence sur la conformité aux règles.
- Le périmètre des standards actuels exclut des applications : les usages particuliers par exemple, non liés au bâti, constitués de tous les appareils électriques (électroménagers, HiFi, informatique) équipant le ménage. Le standard représente une qualité intrinsèque du bâtiment, indépendamment de l’usage qui en est fait. Alors que le bâti doit être de plus en plus performant, la réglementation impose dans de nombreux pays, des prises de courant toujours plus nombreuses, pour plus de confort : mais cela semble être une incitation à davantage consommer…
- Pour tenir compte de la performance des technologies de production d’électricité, les standards fixent des objectifs de consommation en termes de consommation d’énergie primaire c’est à dire de ressources initiales (pétrole, gaz …). Les coefficients de conversion (en France, 2,58) entre kwh d’énergie primaire et kwh d’énergie finale (électrique) ont une dimension politique. Pour favoriser les solutions ayant recours à l’électricité, le calcul minimise les pertes d’énergie.
Ces standards vont donc devoir évoluer. Quelques tentatives sont en cours mais elles pourraient être insuffisantes remettant à plus tard (trop tard ?) l’émergence de règles bien nécessaires.
Une évolution souvent envisagée est de tenir compte de l’autoproduction. Limiter l’autoproduction prise en compte à celle produite sur le toit du bâtiment en question est un facteur conduisant à un manque d’efficacité : chaque toit n’est pas optimum pour recevoir les rayons solaires par exemple et il serait préférable d’utiliser un toit voisin ; l’appartenance à une communauté énergétique a également besoin d’être prise en considération dans le standard. Les standards imposés aux bâtiments induisent donc une vision des systèmes énergétiques de demain et influencent la structuration de futures centrales locales de production.
Prendre en compte la performance réelle du bâtiment une fois construit serait souhaitable mais la mesure est délicate car le résultat peut varier selon certaines conditions, les metteurs en œuvre réellement qualifiés pourraient manquer pour suivre le rythme imposé par la nécessité de lutte contre le dérèglement climatique, les compagnies d’assurances pourraient augmenter de manière très importante les primes des artisans pour couvrir un risque élevé pour elles.
Il sera indispensable d’encadrer les usages comme on a encadré les performances du bâti. Cela suppose donc un suivi et l’établissement d’un référentiel complexe car tous les écarts de conduite ne sont pas imputables aux occupants du bâtiment : par exemple, une mauvaise programmation ou une régulation mal conçue du chauffage peut entrainer une surchauffe de certaines zones du bâtiment conduisant les occupants à ouvrir les fenêtres et …surconsommer.
Une fois de plus, l’évolution des standards énergétiques du bâtiment renvoie à la vision de l’avenir énergétique d’un pays : quelle part y occupe les systèmes décentralisés ? Elle renvoie aussi aux stratégies des énergéticiens : sont-elles défensives et induisent-elles un lobbying très fort contre ce qui peut favoriser l’émergence de systèmes décentralisés ? Elle renvoie enfin aux usages et donc aux structures et politiques locales capables de les influencer.
Compte tenu de ces interactions complexes, l’évolution de ces standards est probablement un bon indicateur de la progression des transitions énergétiques et de l’alignement des acteurs sur une vision future. Si tel est le cas, elle confirme une nouvelle fois la lenteur de nos actions.
Mais rien ne nous empêche de prendre de l’avance sur les standards : on est souvent gagnant sur les plans économique … et énergétique.
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