L’autoconsommation collective a le vent en poupe dans les pays européens dans lesquels la réglementation a permis, avec une certaine forme de courage, l’émergence de ce schéma de partage de l’énergie. Les offreurs de solutions, de décompte et de facturation par exemple, s’activent et les investisseurs s’intéressent.
On peut comprendre pourquoi : l’idée est séduisante car elle s’inscrit dans plusieurs tendances actuelles : le partage, la localisation de l’énergie, la recherche d’une meilleure rentabilité des installations PV…
Mais cet engouement ne serait-il la face visible d’un iceberg moins attractif ?
Tout d’abord, la fragmentation des infrastructures ne joue pas en faveur de l’équilibre économique de ces opérations. Les effets d’échelles obtenus sur des mailles régionales ne sont pas accessibles avec un groupe de 5 à 10 consommateurs. Le coût d’une facture est beaucoup plus élevé et une maintenance « correcte » des installations est hors budget…
Cela conduit à la recherche d’un seuil de rentabilité et à la pression exercée sur les régulateurs pour augmenter la taille des opérations. Initialement conçues pour être limitées à un bâtiment (modèle du Mieterstrom allemand), elles peuvent étendues, selon les pays, à des terrains contigus, à une grappe basse tension ou aux consommateurs situés dans un rayon donné.
La gestion quotidienne d’une opération d’autoconsommation collective n’est pas anodine et demande un minimum de connaissances juridiques, financières et techniques. Il s’agit s’assurer la facturation et les encaissements pour le compte du groupement de consommateurs mais aussi de gérer les impayés, les (fréquents) litiges avec ou entre les membres, la gestion des défaillances des équipements de production, les batailles associées avec les réparateurs et surtout les compagnies d’assurances etc…
Le bénévolat atteint rapidement ses limites quand les problèmes se multiplient et deviennent plus complexes. Et une gestion déléguée a un coût non négligeable qui, sur les petites opérations, annule le bénéfice économique éventuel de la production locale.
Ces opérations remettent en question la tarification réseau. Une grande partie des coûts réseaux sont liés à la puissance souscrite par le groupement et au dimensionnement du réseau qui en découle. Limiter l’application de la taxe réseau à la seule énergie soutirée sur le réseau sous-estime la valeur assurantielle de ce réseau en cas de défaillance des installations de production locale. Mais faire payer une taxe réseau sur l’énergie produite sur un toit et consommée sur place n’a aucun sens.
La tarification réseau doit donc évoluer pour prendre en compte ces évolutions avec, pourquoi pas, le choix laissé au groupement de consommateurs du niveau d’assurance souhaité de la part du réseau. Ce raisonnement n’est pas nouveau : le dimensionnement optimisé des groupes de secours pour l’alimentation des seuls usages indispensables en cas de coupure relève de la même logique.
Au-delà des enjeux opérationnels, l’autoconsommation collective bouleverse le jeu des acteurs.
En matière de fourniture, les schémas d’autoconsommation collective visent à augmenter la production locale d’énergie, une énergie qui échappe aux fournisseurs dont la stratégie est de vendre du fluide de manière classique. Ils poussent certains fournisseurs à devenir un partenaire énergétique de leur client, en leur fournissant le type d’énergie qu’ils souhaitent, produite où et comme ils veulent, avec services et financements éventuels associés.
En matière de gestion de réseaux, certains modèles sont très conservateurs (France, modèles de pratique en Suisse) et ne changent rien pour les GRDs. D’autres s’apparentent à une forme de libéralisation des réseaux (RCP en Suisse, Allemagne) et font d’autant plus peur aux GRDs que la réglementation ne leur permet pas d’avoir la concession de gestion de ces micro-réseaux.
Comme toujours, quand on observe des stratégies d’acteurs défensives, comme celle de certains GRDs, les messages se radicalisent et les offreurs alternatifs promettent une réalité quelquefois très exagérée.
Aujourd’hui, les opérations d’autoconsommation collective permettent d’augmenter l’engagement et l’implication de consommateurs ou de producteurs dans la transition énergétique. Elles ont, à ce titre, une dimension pionnière ou militante. Plusieurs années seront encore nécessaires avant d’atteindre un équilibre règlementaire et économique à la hauteur des espoirs suscités par ces opérations. Aux régulateurs de décider combien !
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