Les communautés énergétiques ne sont-elles pas la vraie libéralisation du marché ?

La libéralisation du marché est à l’agenda des énergéticiens européens depuis 20 ans. Imposée par la réglementation, elle visait à ouvrir le marché de l’énergie à la concurrence, électricité dans un premier temps, gaz dans un deuxième temps.

Ce mouvement, voulu pour faire baisser les prix et pour offrir des choix aux consommateurs, a donné lieu à des stratégies diverses :

  • Défense à tout prix par les fournisseurs historiques de leur position dominante
  • Attaque des historiques sur les prix, leur principal point faible
  • Attaque des historiques avec des offres d’énergie verte, alors que leur mix de production historique était fortement carboné.

Avec plus ou moins de bonheur, la libéralisation des marchés a donné corps à de nouveaux paysages :

  • Les historiques ont quelquefois payé chèrement leur entêtement à défendre leurs positions plutôt qu’à en établir de nouvelles
  • Les nouveaux entrants se sont quelquefois usés à lutter contre les mastodontes historiques et leurs marges ont eu des difficultés à progresser
  • La proximité offerte par les fournisseurs locaux a été mise à mal par les nouveaux entrants
  • La qualité du service aux consommateurs a quelquefois souffert
  • La baisse des prix attendue n’a pas toujours eu lieu, pour des raisons indépendantes à la libéralisation, mais mal comprises des consommateurs.

C’est cette réalité contrastée qu’observe les énergéticiens suisses à l’heure de débattre de l’ouverture totale de leur marché à la concurrence. 

La structure fragmentée du marché suisse favorise la proximité offerte aux consommateurs. La libéralisation totale est clairement une menace pour cette proximité, mais faut-il pour autant supprimer tout choix aux consommateurs ?

Les conditions sont aujourd’hui différentes de ce qu’elles étaient il y a 20 ans : les communautés énergétiques apparaissent sous des formes différentes :

  • Groupement des occupants d’un même immeuble pour consommer la production d’une installation mutualisée
  • Groupement des habitants d’un quartier pour partager leur production et consommer l’ensemble des productions d’un quartier
  • Groupement de micro-producteurs dispersés commercialisant et valorisant ensemble leur production auprès de clients diffus

Ces communautés, dans certains cas, sont une libéralisation du marché, apportant une dimension encore plus locale aux consommateurs. Selon les règlementations, cette libéralisation est même plus complète que la précédente car la distribution elle-même peut être libéralisée.

Cette nouvelle forme de libéralisation préserve la proximité si nécessaire et si désirée par les consommateurs. Elle offre une évolution plus favorable aux énergéticiens locaux qui peuvent en tirer parti et la promouvoir.

Dans certains pays, les grands acteurs nationaux ont tendance à la combattre comme ils ont combattu la précédente. J’ai tendance à penser qu’ils ont tort : rien ne semble pouvoir l’arrêter. Et il y a probablement plus à gagner de l’accompagner et de composer avec elle, même si cela peut paraître complexe, qu’à être de nouveau sanctionné pour s’être de nouveau opposé au sens de l’histoire. 

Nous avons connu en Europe une libéralisation imposée par la réglementation ; avec les communautés énergétiques, nous faisons face à une libéralisation du marché par lui-même : y faire face et en tirer parti demandera aux énergéticiens des stratégies plus élaborées.

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