Le mythe de l’offre globale

L’évolution des systèmes énergétiques, que je décris depuis plusieurs mois dans ce blog, impose de plus en plus de transversalité et de liens entre éléments autrefois indépendants : par exemple entre réseau de distribution électrique, réseau de chaleur et de froid, stockage de gaz etc…

Les liens entre systèmes énergétiques et services offerts aux utilisateurs et aux opérateurs de ces systèmes se développent, eux aussi.

Les Smart Cities n’ont pas qu’une composante énergétique ; elles adressent d’autres domaines : mobilité, santé, emploi, culture, gouvernance etc…, jamais totalement indépendants de l’énergie. Il est donc nécessaire de prendre en compte les interactions entre ces différents domaines.

Comment répondre à ces besoins transverses, comment participer à ce mouvement émergent, comment gérer l’ensemble de ces liens quand on est une société spécialisée sur quelques métiers, quelques compétences et savoir-faire ?

Trois grands positionnements des fournisseurs de produits et de solutions, semblent cohabiter aujourd’hui sur le marché :

  • La participation à des consortiums : ce positionnement consiste à rejoindre, au cas par cas, une équipe dédiée à un projet particulièrement prometteur : de toute évidence, c’est plutôt un positionnement d’attente et d’observation. Une analogie avec les sports collectifs permettrait de qualifier un consortium d’équipe ou de sélection d’un jour, réunion de bons joueurs non habitués à jouer ensemble. Le résultat est rarement exceptionnel.
  • La participation à un éco-système d’acteurs : ce positionnement consiste à créer les conditions d’une performance d’équipe répétée : règles et de standards communs, recherche et organisation de complémentarités, schéma prédéfini de partage de la valeur. Plusieurs offreurs se fédèrent autour d’une architecture de solutions commune pour augmenter la valeur de leur offre. Chacun œuvre sur son périmètre d’activité de prédilection.
  • Le développement d’une offre la plus globale possible : certains fournisseurs font le choix d’élargir le plus possible leur offre, de manière à revendiquer le leadership des initiatives de Smart Cities par exemple, et à couvrir le spectre de solutions le plus large possible.

Pour les villes et, dans une moindre mesure, les énergéticiens, le premier positionnement permet un accompagnement satisfaisant des projets bâtis sur une logique de court ou moyen terme ; la valeur individuelle de chaque société, membre du consortium, ne conditionne pas la valeur du consortium lui même ; pourtant, une ou deux têtes d’affiche renommées suffisent à rendre le groupement crédible. Pour reprendre l’analogie sportive, deux stars ne font pas la performance d’une équipe d’un jour mais elles sont néanmoins capables de remplir un stade. Dans ce cas, il faut un excellent directeur de projet pour valoriser ces individualités et coordonner efficacement les apports de chacun.

La valeur du deuxième positionnement est moins lisible pour les villes. Elle se construit dans le temps, ne fournit pas de résultats évidents à très court terme et ne correspond pas toujours aux attentes et besoins des agendas politiques. Ce positionnement offre pourtant une promesse digne d’intérêt et permet d’envisager une capitalisation indispensable des savoir-faire.

Le troisième positionnement peut rassurer : il réduit le nombre d’interlocuteurs de la ville et semble simplifier la conduite du futur projet. L’offreur global se présentant également comme conseil de la ville et coordinateur naturel du projet, les décisions en matière de gouvernance semblent facilitées.

Derrière cet aspect attirant, se cachent les enjeux auxquels doivent répondre ces acteurs globaux au sein de leur propre organisation : élargir en peu de temps leur champ de compétences, ce qui suppose une intégration efficiente de leurs acquisitions, maîtriser divers modes de décision pour gérer activités traditionnelles et activités innovantes et émergentes, gérer avec succès produits et services, apporter un support durablement neutre et compétent aux villes etc…

Face à ces enjeux, au fait qu’aucun des prétendants à une offre de ce type n’a encore triomphé de ces enjeux, que tous, au contraire, semblent progressivement s’empêtrer dans une complexité qui les dépasse, je me demande si cette volonté de globalisation de l’offre n’est pas un mythe.

Les décideurs politiques, qui ont tant besoin de symboles et de victoires à court terme, pour surmonter avec succès leurs échéances électorales, sauront-ils éviter les propositions trop brillantes des offreurs globaux et détecter, parmi les diverses offres, celles qui pourront servir leurs ambitions au cours du temps.

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