La continuité d’un réseau de transport électrique (TSO) et d’un réseau de distribution (DSO) est une évidence, autant pour les électrons que pour nous, observateurs. Pourtant, pour des raisons techniques, d’organisation, de marché, ces réseaux ont été développés séparés et gérés par des entités différentes. Ma boutade initiale nous permet de nous questionner sur l’articulation et la coopération entre ces acteurs.
Sont-elles aujourd’hui suffisantes ? Peuvent-elles être menacées par les évolutions en cours des systèmes énergétiques ? Peut-on imaginer meilleur fonctionnement de nos acteurs du monde régulé ?
La distribution d’électricité est, depuis longtemps, organisée par un système centré sur les TSOs : ils sont responsables de l’équilibre de leur réseau et ont développé de nombreux outils pour y parvenir (mécanismes d’équilibre, marchés d’ajustement). Ils ont mobilisé pour cela les grands producteurs avec lesquels ils entretiennent un dialogue privilégié et, depuis peu, de plus petits producteurs ou des consommateurs agrégés à cette occasion, raccordés quant à eux aux réseaux de distribution.
Dans cette organisation, les DSO subissent et s’adaptent.
Le développement des énergies renouvelables, distribuées et intermittentes, a toutes les raisons de déséquilibrer cet ensemble :
- Plus de production d’énergies distribuées raccordées aux réseaux de distribution finira par signifier moins de production centralisée raccordée au réseau de transport. L’équilibre géré par les TSO demandera donc de faire de plus en plus appel à des acteurs avec lesquels ils n’ont pas de relation privilégiée et qui ne participeront que par l’intermédiaire des agrégateurs. De plus, faire appel à de telles flexibilités finira par déstabiliser les réseaux de distribution.
- Plus d’énergies intermittentes, signifie un équilibre sans cesse chahuté par les variations de production et donc, plus difficile à réaliser.
- En l’absence de mécanismes d’équilibre plus adaptés, les TSOs continueront comme aujourd’hui de déconnecter des productions renouvelables ou de modifier les plannings de production des centrales situées en amont et en aval des congestions pour assurer l’équilibre de leur réseau.
Je crains que la situation devienne de plus en plus délicate pour les producteurs concernés par les déconnexions et pour les DSOs en difficulté croissante pour gérer leurs opérations.
Il apparaît inévitable de questionner notre modèle et d’établir un fonctionnement reposant sur le tandem TSO-DSO.
Cela suppose de faire évoluer les mécanismes de marché pour tenir compte des besoins de chacun (plusieurs modèles sont techniquement envisageables) et, peut-être, de modifier la gouvernance des marchés associés. Cela suppose surtout de développer une coopération entre des acteurs en pleine mutation.
- Suite à la séparation des activités régulées et non régulées, ils font le deuil d’être dans le « business » et apprennent à être des centres de coûts focalisés sur l’excellence dans leur métier.
- Les TSOs vont devoir faire un deuxième deuil en perdant une part de domination.
- Les DSOs sont « menacés » par les villes qui s’engagent de plus en plus dans la gestion de l’énergie. Cette menace sera réelle si les DSOs ne développent pas la coordination nécessaire avec les acteurs locaux de l’énergie et ce, dans chaque ville et métropole de leur territoire (ce sera naturellement plus facile pour les DSO territoriaux, Stadtwerke en Allemagne, Services Industriels en Suisse)
Une plus grande coopération entre DSO et TSO est indispensable en Europe et devra être développée rapidement, malgré les changements et les incertitudes que je viens d’évoquer.
Les bénéfices d’une telle coopération dépasseront ceux liés à l’amélioration des mécanismes d’équilibre. On pourra aussi s’attendre à de meilleures solutions offertes aux producteurs souhaitant se raccorder aux réseaux de distribution aux endroits où ils sont sous-dimensionnés, à une meilleure optimisation des investissements sur le réseau, et donc à une baisse de ces derniers.
Les DSOs sont très différents les uns des autres et ne sont pas représentés par une instance unique. Aux TSOs, regroupés au sein de l’ENTSOE, de prendre le leadership sans que cette initiative ne soit perçue par les DSOs comme une nouvelle preuve d’un monde centré sur les TSOs. Un certain tact sera nécessaire.
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