Pourquoi tant de fournisseurs d’énergie ?

La libéralisation des marchés de l’énergie, décidée en Europe il y a 20 ans, devait permettre de développer la concurrence. C’est le cas et le mouvement amorcé dépasse très certainement ce qu’il était pensable d’espérer en ce qui concerne l’électricité et, dans une moindre mesure, le gaz.

Faisons le point.

Les fournisseurs historiques tentent, dans tous les pays, de défendre leurs parts de marché historiques avec plus ou moins de succès. Dans les pays dominés par l’acteur historique unique ou ultra-dominant (Italie, Portugal, Grèce, Irlande, France), des stratégies défensives ont souvent permis de retarder la perte de clients. Dans les marchés fragmentés (Suisse, Allemagne, Autriche, Suède, Danemark), ces acteurs historiques sortent de leurs zones d’activité habituelles et concurrencent leurs voisins …ou se regroupent. Enfin, dans les pays où 3 à 5 acteurs historiques coexistent (Grande Bretagne, Pays Bas), la concurrence entre chacun donne lieu à de belles innovations.

Dans tous les pays européens, des challengers sont nés avec la libéralisation du marché, principalement pour attaquer les fournisseurs historiques sur leurs points faibles : le prix, les sources d’énergie vertes ou encore la qualité de la relation clients. Ces sociétés, indépendantes au départ, ont dû faire preuve de créativité, d’imagination et d’efforts pour grappiller chèrement quelques parts de marché aux acteurs historiques. Certaines ont obtenu des résultats très intéressants mais beaucoup ont consenti des efforts sur leurs marges réduisant considérablement leur capacité à investir, à se différencier et, quelquefois, à innover.

Cette simple confrontation entre acteurs historiques et challengers aurait pu suffire à animer le marché mais d’autres acteurs se sont invités, par nécessité.

Tout d’abord, les pétroliers, Total et Shell en tête, ont besoin d’allumer des contre-feux pour anticiper la décroissance des activités liées au pétrole. Contrairement aux challengers, nés depuis peu, les géants pétroliers sont riches et peuvent allouer des moyens considérables à leur extension d’activité : Total a ainsi investi plus de 4 milliards d’Euros dans les acquisitions successives de Sunpower (Solaire), Saft (Batteries), Lampiris (fournisseur de gaz et d’électricité verts en Belgique), Direct Energie (fournisseur de gaz et d’électricité en France), G2 mobility (Recharge de véhicules électriques) et Greenflex (Services énergétiques) et a pu constituer en peu de temps un portefeuille d’offre assez complet. Les activités réunies par Total ne comprennent pas de technologies obsolètes dont il faut gérer la décroissance. Sans boulet, Total peut cibler un positionnement très en phase avec une transition vers une énergie moins émettrice de gaz à effet de serre.

Enfin, cherchant à tirer parti d’un poids futur probablement très fort de la mobilité électrique dans les infrastructures énergétiques résidentielles, des constructeurs automobiles comme Volkswagen complètent désormais la panoplie des acteurs. Ils comptent surfer sur la légitimité qu’ils ont dans le domaine de la mobilité pour occuper celui de l’énergie désormais connexe dans les villas.

Certains prédisent l’arrivée de certains GAFA qui pourraient s’intéresser au marché de l’énergie. Je pense que celui des données de l’énergie est une cible évidente pour eux. Mais je ne vois pas le périmètre qui leur sera aisément accessible, être très étendu.

Les fournisseurs d’énergie sont désormais très très nombreux, voire trop nombreux. Mais aucun n’a un avantage évident :

  • Les fournisseurs historiques sont encore handicapés par des activités qui ne trouveront pas de place dans l’avenir dont la cession leur demande moyens et énergie, ils ont une révolution culturelle et une ouverture technologique à gérer.
  • Les challengers manque de moyens pour rivaliser dans cette course
  • Les pétroliers doivent réussir la délicate intégration des sociétés qu’ils achètent mais ils ont des moyens bien supérieurs à ceux des fournisseurs classiques
  • Volkswagen a un pari à gagner, très dépendant de l’avenir de la mobilité électrique.
  • Les GAFA doivent potentiellement prouver leur aptitude et leur appétit à conquérir une part de ce marché.

Je ne pense pas que la situation soit favorable à une clarification rapide ; néanmoins, ceux qui ne sauront pas se différencier rapidement seront vite dépassés, la proximité avec les clients et les services seront des avantages à court terme mais ne suffiront probablement pas à maintenir une présence et une compétitivité. 

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