Il n’échappe à personne que les Smart Cities, qui font le buzz depuis plusieurs années, ont des difficultés à émerger. Non pas que rien ne se passe car il existe des initiatives remarquables, mais le ras de marée annoncé n’est pas encore arrivé. Cette situation n’est pas étrangère à ce que je vis au quotidien sur le volet énergétique des Smart Cities.
Quelles sont donc les raisons de ce retard ? Peut-on imaginer qu’un jour, les Smart Cities se développent comme prévu initialement ou deviendront-elles une nouvelle ex-bonne idée ?
Je n’ai pas la prétention ici de faire un diagnostic exhaustif mais simplement de livrer quelques « humeurs » suscitées par mon expérience récente.
Les Smart Cities demandent aux municipalités vision et investissements à moyen terme
Répondre au coup par coup à des problèmes détectés isolément peut se révéler très couteux dès lors que les solutions envisagées font appel à la technologie. Cela conduit à des investissements redondants effectués chaque fois dans le cadre de chaque solution. Qui plus est, les technologies développées ne sont pas toujours compatibles et les liens entre solutions, toujours intéressants à développer, ne sont accessibles qu’après investissements supplémentaires.
Optimiser les coûts comme améliorer la pertinence des solutions apportées demande une vision. Il s’agit d’abord d’une vision politique : quel futur voulons-nous donner à cette ville ? quelles seront les activités qu’elles abritera ? quel sera le mode de vie global de ses habitants ? comment gérera-t-on l’harmonie, la cohabitation et le bien-être de tous ?
Il s’agit ensuite d’une vision plus pratique de l’ensemble des solutions à déployer et de leur architecture.
Rares sont les municipalités ayant une telle vision, assez rares aussi sont celles aujourd’hui capables d’en avoir une et de s’engager dans des actions inscrites dans la durée.
Les municipalités fonctionnent beaucoup au rythme des échéances électorales et font alors passer le souci d’être réélues avant celui d’agir en profondeur. Pourtant, les exemples montrent que le traitement des problèmes de fond conduit à la réélection des équipes en place.
Les Smart Cities demandent des compétences que les villes ont rarement.
Les villes ont généralement développé des compétences de donneur d’ordres, spécifiant leur besoin, laissant l’exécution à des prestataires.
Les villes sont uniques par les enjeux qu’elles ont à adresser, par les solutions qu’elles ont à déployer. Le benchmark n’a qu’une portée limitée : il permet au mieux de détecter quelques briques de solutions intéressantes.
Chaque ville ne peut faire l’économie de sa propre réflexion ; même aidée par des spécialistes (et encore faut-il que ces derniers ne se contentent pas de copier ce qui a été fait ailleurs !), elle doit faire son propre diagnostic et bâtir ses propres réponses.
Elle doit avoir une connaissance des technologies moins superficielle pour être capable de juger les propositions qui lui sont faite.
Beaucoup de villes se reposent pour cela sur des grands industriels « partenaires » : si ces grands partenariats peuvent se révéler vertueux, les villes ne doivent pas déléguer leur leadership mais plutôt l’affirmer et imposer les orientations.
Les équipes municipales doivent pour cela adopter une posture plus opérationnelle, plus pratique, allez, j’ose le terme, plus business qu’elles ne le font aujourd’hui.
Les Smart Cities doivent faire évoluer leur mode d’action
Développer des technologies numériques au service d’une amélioration globale du fonctionnement et des services offerts par une ville demande des liens entre les équipes, qui tranchent par rapport aux organisations habituelles, très cloisonnées. Peu de villes se sont attaquées à cette indispensable mutation.
J’ai déjà évoqué le besoin de fonctionner en partenariat avec des entreprises selon des modèles pas toujours codifiés dans le code local des marchés publics. Il en est de même pour certaines formes d’investissements, pourtant très attractifs, notamment ceux financés par les gains opérationnels générés (type contrat de performance énergétique).
Les Smart Cities sont aussi l’occasion de faire évoluer le rapport que la ville entretient avec les citoyens. Les écouter, pour mieux servir leur besoin, les associer, pour mieux répondre à leurs attentes demande un profond changement d’attitude des équipes municipales. Les villes tombent souvent dans deux pièges à ce propos : déléguer aux citoyens leur domaine d’incompétence et déléguer aux citoyens leurs responsabilités, et surtout celle d’assurer une évolution globale et harmonieuse de la ville. Tomber dans ces pièges génèrent frustrations et ressentiments des habitants et se révèle, dans la durée, largement contre-productif.
Les équipes d’élus dirigeant les villes doivent s’engager davantage
Sans leadership affirmé au quotidien, sans implication (positive et fructueuse) des élus dans les opérations, sur le terrain, dans les projets, les Smart Cities n’émergent que très lentement. Souvent, les villes sont dans des situations budgétaires tendues et le manque d’argent est avancé comme une raison retardant le réel démarrage d’un projet de Smart City. Et la ville continue alors d’investir et de dépenser de manière non optimale.
Il faut donc la volonté de casser ce cercle vicieux, de trouver les moyens d’amorcer un mouvement différent. Cette volonté est nécessairement l’expression d’un leadership et d’un engagement important. Sans eux, il est vain d’attendre des villes répondant aux défis qui s’annoncent.
Vision, compétences, nouveaux modes d’actions, engagement sont quatre conditions rarement réunies qui, de mon point de vue, peuvent expliquer une grande partie de l’inertie observée dans l’émergence des Smart Cities.
Ces conditions sont complexes à réunir et elles reposent souvent sur la présence d’un maire ou plus rarement d’une équipe hors du commun. C’est pour cette raison que les Smart Cities se développeront lentement et plutôt sur une base d’applications numériques développées isolément et de façon plutôt chaotique.
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