Certains pays, comme la Suisse, ont fait de la fragmentation du marché une sorte de marque de fabrique : les énergéticiens suisses dépassent rarement le seuil des 200 000 clients résidentiels. D’autres pays donnent au contraire l’impression d’avoir des acteurs nationaux dominants comme, par exemple, la France, l’Italie ou l’Espagne. La réalité n’est pas aussi pure et, à coté des acteurs dominants, opèrent des énergéticiens plus petits (Soregies, GEG en France, IREN Torino en Italie, Estebanell en Espagne). Tous les marchés européens de l’énergie ou presque abritent ce type d’acteurs plutôt intégrés.
Quel est donc leur place sur le marché ? Quel est leur avenir face aux différentes conséquences de la transition énergétique et de la restructuration des marchés ?
La plupart d’entre eux ont un formidable atout que pourraient leur envier bon nombre de majors du marché de l’énergie : leur souplesse, leur rapidité, les plus à la mode d’entre nous diraient leur agilité. Leur petite taille relative leur permet d’échapper à la lourdeur de fonctionnement des mastodontes, leaders sur le marché. Néanmoins, leur agilité reste limitée par un fonctionnement prudent, probablement lié aux impératifs de continuité de service qui ne permettent pas de prise de risques inconsidérée.
Ils ont également auprès de leurs clients une force qui les protègent, à court terme, de nombreuses turbulences : la proximité avec leurs clients. Tous sont vus comme des acteurs locaux, faisant partie du paysage depuis longtemps. Mais la digitalisation de la relation clients, pour peu qu’elle serve de base à la construction d’un nouveau type d’intimité avec les clients, viendra très certainement bouleverser ces positions établies. Cette menace, perçue par une majorité de petits énergéticiens, agit comme une aiguillon les poussant à se dépasser et à user de leur agilité pour se différencier.
La menace est cependant différente d’un pays à l’autre. Là où les petits énergéticiens sont nombreux et visibles, le régulateur les prend en compte et cherche à ne pas casser leur dynamique. Bien au contraire, il cherche à ne pas priver le marché qu’il structure d’un dynamisme important, d’une concurrence bénéfique aux consommateurs et d’une diversité dont nait la richesse des solutions déployées. Dans les pays où ils sont minoritaires, leurs spécificités sont peu considérées et ils doivent s’inscrire dans le sillage des leaders, faisant perdre à leur pays, l’avantage de la pluralité.
Une difficulté les menace : celle de faire face à l’invasion du monde de l’énergie par la technologie. Ces énergéticiens déploient des Smart Meters ? Seuls, avec de petites quantités, ils ne peuvent bénéficier des tarifs les plus compétitifs car ils sont aussi consommateurs de support technique lors du déploiement. Ils veulent offrir à leurs clients résidentiels une solutions production PV + stockage intégrée ? Le coût des tests et de l’élaboration de l’offre est sensiblement le même que pour un grand énergéticien mais la capacité à le supporter est très différente. Ils souhaitent de doter d’une plateforme de valorisation de flexibilités sur des réserves primaires et rapides ? La taille de leur marché n’est pas suffisamment attractive pour amortir une telle plateforme, quel que soit le modèle d’affaire choisi.
Cette difficulté explique que les petits énergéticiens mettent leur agilité au service de différenciations peu consommatrices de capitaux : innovations dans la démarche commerciale, digitalisation de la relation clients, offres subventionnées. Mais cela les protège-t-il suffisamment et durablement ?
Les petits énergéticiens doivent donc s’allier, apprendre à fonctionner ensemble pour augmenter leur puissance d’achat, partager des initiatives de R&D ou de living lab sans perdre leur spécificité. L’option la plus menaçante pour eux est vraisemblablement de s’allier à des leaders : ils risquent de perdre leur différence et d’être absorbés dans une homogénéité croissante. Pour éviter de tels risques, les « petits » énergéticiens doivent se regrouper en restant en deçà d’une taille minimale (500000 clients semble être un maximum) et apprendre à collaborer en nombre important. Ce fonctionnement en réseau n’est pas dans leurs gènes : une innovation de plus à nourrir.
Bonjour,
Un bel article qui donne matière à réfléchir sur l’avenir des « petits » producteurs d’électricité !
« Les petits énergéticiens doivent donc s’allier, apprendre à fonctionner ensemble pour augmenter leur puissance d’achat, partager des initiatives de R&D ou de living lab sans perdre leur spécificité »
=> On peut citer l’exemple d’ALTERNA : créée en 2002 à l’initiative de SOREGIES, ALTERNA est un fournisseur d’énergie national qui regroupe aujourd’hui les forces de 50 entreprises locales de distribution, réparties sur tout le territoire français.
Pour en savoir + : http://www.alterna-energie.fr
Merci pour votre contribution. Il y a de multiples solutions qui s’offrent à ces énergéticiens. Vous en avez cité une déjà en place.
Erratum : lire petits « fournisseurs » d’électricité dans la première phrase