Les grands groupes industriels sont les stars du paysage économique ; leurs PDG sont admirés. Ceux du monde de l’énergie, Siemens, ABB, General Electric, Schneider Electric Mitsubishi, n’échappent pas à cette règle. Tous les projets de transition énergétique les attendent comme ils attendraient le Messie ; leur participation à un projet pilote est médiatisée, exploitée comme si la valeur du projet ou les résultats attendus dépendaient de leur présence.
Sont-ils vraiment les acteurs surpuissants dont on parle ? Ont-ils vraiment l’influence attendue au sein des écosystèmes énergétiques ?
Partageons trois observations à ce propos :
- Siemens a récemment annoncé le licenciement de 7000 employés, General Electric celui de 12000 personnes. Les commentateurs s’accordent à dire que ces deux groupes ont tardé à investir dans les énergies renouvelables et surtout eu des difficultés à gérer la décroissance d’activités autrefois au cœur de ces sociétés et hautement lucratives. Je ne pense pas qu’il s’agisse là d’un défaut d’anticipation. Economiquement parlant, il semble plus facile et plus rentable aujourd’hui de traire les « vaches à lait » jusqu’à la dernière goutte et de les dégraisser par paliers. Les grands groupes semblent plus attirés par la poursuite d’activités très rentables que par la création de nouveaux business plus aléatoires.
- J’entends souvent des représentants de grands groupes se plaindre à propos des projets pilotes et des démonstrateurs : ces initiatives leur prennent du temps et leur coûtent. Eux veulent du « business ». Quand ils envisagent de lancer un nouveau produit, il leur semble normal d’investir en R&D. La transition énergétique bouleverse les systèmes énergétiques dans leur ensemble. Ce sont de nouveaux systèmes qu’il faut concevoir avant de les déployer massivement. Je ne crois pas que les grands industriels aient perçu l’intérêt d’investir dans des démarches de R&D au niveau de solutions entières. Or, leurs produits seront vendus dans l’avenir comme des briques de solution à des clients qui achèteront ces solutions, complètes. Si vous attendez les grands groupes comme acteurs de la transition énergétique, vous risquez de les voir venir quand ce sera l’heure de la cueillette. Mais ce temps viendra-t-il rapidement ?
- L’innovation demande de la persévérance. Les grands groupes vivent dans l’immédiat. Rare sont ceux qui ont su mener à terme une activité nouvelle. Au bout de 5 ans, quand ce n’est plus tôt, la patience s’effrite. Telle entreprise axe sa communication sur les Smart Cities et devient inaudible sur ce thème deux ans plus tard, au prétexte que les résultats ne viennent pas assez rapidement.
Ces trois observations montrent que les grandes entreprises ne sont pas en position d’être des acteurs engagés, fidèles, persévérants de la transition énergétique. Ils ne seront pas absents pour autant : ils seront dans toutes les opportunités pouvant être adressées sans qu’ils ne modifient leur ADN.
Ces grandes entreprises ont développé pendant des années avec succès des stratégies de « portefeuille » les conduisant à gérer un équilibre harmonieux entre une masse d’activités matures et des activités émergents ou en fin de vie. La transition énergétique ne rend pas ces stratégies obsolètes mais demande à ce que les entreprises développent un autre axe stratégique : l’évolution de leur ADN. Tel fournisseur de produits doit vendre des solutions ; tel autre doit se positionner sur les services etc… Cet axe demande la gestion de changements profonds : c’est probablement la raison pour laquelle il est soigneusement évité et pour laquelle les grandes entreprises ont plutôt intérêt à contourner la transition énergétique qu’à l’affronter.
Cela laisse de la place aux entreprises moyennes et petites, plus ouvertes aux changements et aux innovations : pour occuper cet espace, il leur faudra apprendre à travailler en réseau.
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